Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ?
Je suis Frédéric Choinière. Je m'intéresse depuis longtemps à des projets liés aux enjeux de société, tels que l'environnement, la consommation durable, mais aussi la politique ou encore la gestion des déchets. Mon approche journalistique repose principalement sur le terrain où je vais à la rencontre d'experts pour nourrir la réflexion.
Peux-tu nous parler de ton projet "Ma vie Made in Canada" ?
Ironiquement, l'idée du projet est importée, inspirée par le documentaire "Mon année Made in France" réalisé par Benjamin Carle. Avec les producteurs, nous avons adapté ce concept à "ma vie made in Canada".
Cela a été une expérience marquante pour moi de vivre pendant 1 an exclusivement avec des produits fabriqués au Canada. Cela m'a donné l'occasion d'affiner mes réflexions sur le sujet, de passer par toute une palette d'émotions et, surtout, de rencontrer des fabricants et des designers canadiens de produits de la vie quotidienne.
Quels ont été les principaux défis de ta vie 100 % "made in Canada" pendant une année entière ?
L'un des plus grands défis a été de trouver des produits électroniques fabriqués au Canada. Il n'y a plus d'ordinateurs ou de cellulaires pour le grand public fabriqués ici, ce qui m'a contraint à utiliser des appareils importés pour mon travail. Les électroménagers ont également été un défi, mais j'ai finalement pu trouver des options d'occasion, car la production canadienne était encore présente jusqu'aux environs de 2013.
Et en ce qui concerne l'alimentation ?
L'alimentation a également été un défi. Certains produits sont devenus si courants dans notre quotidien que nous oublions souvent leur provenance, comme le café ou l'huile.
Tu n'as pas bu de café pendant 1 an ?!
En effet, je n'ai pas consommé de café et je dirais que ce fut mon plus grand traumatisme pendant ces douze mois ! (rires)
Étant à Toronto à ce moment-là, j'étais fortement dépendant des épiceries et le problème c'est que, même en période de récolte locale, certains fruits et légumes sont importés de pays où les quantités sont plus importantes et plus prévisibles, afin de mieux répondre à la demande.
Comment peut-on déterminer qu'un produit est fabriqué au Canada ?
En 2020, lorsque j'ai écrit mon livre L'achat local : réflexions et conseils pour voir la vie en bleu, le concept d'achat local était très répandu, mais il n'y avait pas de vraie définition de ce qu'est un produit ou un achat local.
Cependant, le Bureau de la concurrence définit clairement un produit "fait au Canada" : c'est un produit pour lequel plus de la moitié (51 % ou plus) des coûts de production ou de fabrication ont été engagés au pays et où la dernière étape significative de transformation a eu lieu au Canada. Il existe également l’indication « produit du Canada », où cette fois c’est au moins 98% des coûts qui sont engagés au pays.
Pour les "aliments du Québec", il y a un cahier des charges établi par l'Agence canadienne d'inspection des aliments et le programme provincial du Québec, avec des critères précis.
Il y a donc maintenant plus d'outils pour s'y retrouver, mais pour certains produits, c'est vrai que c'est encore très abstrait.
Oui, parce qu'en fin de compte, le concept de "local" peut varier, par exemple en fonction de la proximité avec la frontière d'un autre pays, cela dépend de ses critères en matière de transport, d'économie…
C'est exactement cela, cette notion de localité peut s'appliquer de manière géographique, c'est-à-dire de distance, mais aussi de manière géopolitique. Il y a encore beaucoup de flou à ce niveau-là.
Malgré tout, pour les définitions qui existent, elles sont quand même très claires : sur une étiquette, s'il est écrit "produit du Canada" ou "fait au Canada", il faut que ça corresponde à ces critères-là.
Une dernière question Frédéric, quel conseil donneriez-vous aux lecteurs pour les aider à consommer de façon plus locale au quotidien ?
Faire l'inventaire et vérifier les étiquettes constituent la première étape. Quand tu commences à avoir cette curiosité, à te demander où sont fabriquées les choses que tu possèdes déjà, cela développe les bons réflexes : regarder la provenance, poser des questions et même aller demander directement aux commerçants si l'on ne trouve pas l'information.
Ensuite, concrètement, si l'on veut augmenter la proportion de produits locaux dans sa vie, on peut commencer par des catégories de produits où c'est très facile car l'offre est abondante et il n'y a pas de différence de prix. Par exemple, tous les produits nettoyants et les produits de beauté (savons, déodorants…). Il y a plusieurs compagnies qui proposent de tels produits. De plus, ce sont souvent des produits écologiques, plus verts que les produits importés. C'est une catégorie de produits où il est vraiment facile de trouver des alternatives, donc cela peut être une bonne porte d'entrée selon moi.
Ensuite, on peut mentionner les vêtements, mais cela dépend pour qui. Si l'on a des enfants en bas âge qui grandissent, acheter local peut être difficile. Cependant, je trouve qu'aujourd'hui, il y a de plus en plus d'entreprises qui fabriquent des basiques accessibles et de qualité.
Une autre catégorie "facile" est celle gros meubles, par exemple les sofas et matelas ainsi que certains meubles en bois : il y en a beaucoup fabriqués au Canada. On a intérêt à bien magasiner, y compris dans des enseignes réputées pour leurs bas prix, car on peut souvent trouver des meubles fabriqués localement qui sont accessibles à la plupart des budgets.
Pour résumer, l'important c'est de bien être conscient de ces enjeux quand on magasine, et, quand cela est possible, choisir l'option "made in Canada".
Exactement, cela peut être également de choisir des endroits comme la boutique Arloca pour magasiner. C'est une super belle occasion de découvrir des produits faits par des artisans, à offrir pour des occasions spéciales (cadeaux), mais ça montre aussi que le local peut s'appliquer à des produits plus ordinaires, qu'on utilise au quotidien : des bas, des chapeaux, un beau kit de vaisselle en céramique…
